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L'année 2012, à l'occasion de la commémoration de l'observation de Vénus par le Capitaine Cook :

la perception de la planète Vénus en Polynésie

Louis Cruchet

 

Vénus dans les différentes cultures est liée à l’espace-temps, au genre masculin et féminin de sa personnification et à la fécondité, enfin elle a un double aspect symbolique, qu’elle est assez anthropomorphique (œil), liée au supramonde et aux animaux diurnes (oiseaux). Il faut souligner que seule la civilisation occidentale confond planète et dieu, en donnant à l’un et à l’autre un genre féminin, alors que dans les autres cultures le nom de la planète est distinct du nom de sa personnification.

Vénus en Océanie est aussi liée au temps (matin/soir), à l’espace (taille, éclat), au supramonde et à la communication entre les mondes (thèmes que l’on retrouve dans d’autres cultures différentes), ainsi qu’au « visage-œil » (thème lui aussi commun aux autres cultures). Soulignons qu’en Polynésie il n’y a pas de genre (excepté lorsqu’il est indiqué par « tane » ou « vahine ») ce qui rend les choses très différentes.

Voyons, tout d'abord, les noms donnés à la planète Vénus dans tous les archipels de Polynésie.

Vénus en Polynésie occidentale (Johnson et Mahelona, 1975, pp.75-121)

Samoa, Fidji

Tonga, Rarotonga

Wallis et Futuna

Cook

Madagascar

Tapukitea, Fetäa ao, pukutea, Fetu ao  

Akatauira,  Te mata nui o Tane

Malama Kainga

Anui (Anuhi)

mpiseho takariva sy alohan' ny fiposahan' ny masoandro

"Sacrée clarté", "Etoile lumière"

étoile du matin, "Les grands yeux de Tane"

"Lumière nocturne"

« Oeil » (de Tane)

"phénomène de la soirée consultable après la disparition du soleil"

Vénus en Polynésie orientale I

Nouvelle-Zélande (Best, 1955, p.38-42 ; Johnson et Mahelona, 1975, pp.75-121)

Täwera

Rangi tù ahiahi, Rere ahiahi, Meremere ahiahi

Te whatu i te roro

Köpü parapara (*)

Vénus, étoile du matin

"Ciel du soir", « Etoile du soir »"Complainte du soir"

"L'œil du cerveau"

Vénus- arbre à oiseau (Pisonia brunoniana)

*L’arbre appelé « parapara » (Pisonia brunoniana) ou « arbre oiseleur » attrape des insectes et des oiseaux grâce à ses graines collantes adhérant aux plumes des petits oiseaux. Les oiseaux (animal diurne) est un thème commun à Vénus dans de nombreuses autres cultures. L’arbre aussi, mais ici il s’agit plus d’un arbre de mort qu’un arbre de vie, car le parapara tue les animaux ou insectes qui sont piégés dans ses graines adhérentes.

Hawai'i (Johnson et Mahelona, 1975, p.1-2)

Ka äwelä

Hökü ao, Hökü  loa

Hökü kau ahiahi, Hökü komohana

Ho'omänalo, Mänalo

Holo i kahiki

"Le ou La chaud(e)"

"Etoile-lumière", "Longue étoile"

"étoile du soir", "Etoile entrant à l'ouest"

Vénus ("Apaisement")

"Naviguer vers les strates du ciel"

 

 

 

Île de Pâques (Métraux, 1980, pp.52-53)

Hetu/fetu o Atea, hetu/fetu atea

Hetu/fetu maona pupua i  tea hi-ahi

Fetu ahí-ahí

Ma'una pu'u pu'u

"Etoile d'Atea", "Etoile-espace" ou "Etoile blanche"

"Etoile qui  étincelle autant que le feu au moment où l’homme n’a plus faim"

"Etoile du soir"

"Tresse du crépuscule" ou « groupe rassasié »)

Vénus en Polynésie orientale II (Polynésie Française)

Société (Laguesse, 1945, pp.151-2 ; Henry, 1993 ; Ellis, 1972 ; Moerenhout, 1837)

Feti'a po'ipo'i, Feti'a no te po'ipo'i, Huri po'i po'i, Feti'a tai ao

Ta'urua horo po'ipo'i, Faurua 

 

Paupiti ou Pa'upiti, Fauma ou Fau mä

Faiti, Fa'aiti ou Fäiti

Tau'ura nui, Ta'urua e hiti i Matavai

Te 'ura iti'a hotu ou Te 'ura hiti'a hotu

Feti'a ao, Atüahi

Enà pö tü

"Etoile-matin", "Etoile du matin", "Etoile illuminée vers la mer"

"'Festivité courant le matin", "Fosse de pürau" (fau : ancien nom du pürau, hibiscus tiliaceus)

"Deux taches bleues claires dans le ciel", "Supérieur pur, clair" ou "Pürau clair"

"Petite vallée", "Petit nuage de présage" ou "Petite apparition"

"Grande 'Festivité", "Festivité se levant dans la Baie"

"L'est rouge plein" ou "L'est plein des couleurs du soleil"

"Etoile illuminée", "Le feu"

"Voilà la nuit debout"

Marquises (Laguesse, 1945, p.151)

 

Fetu maona pupu

Hetu ao, Hetu atea, Hetu o atea

Hetu ahiahi, Mana pu 'upu'u te ahiahi

Hetu nui

Ma'una pu'upu'u

"Etoile du groupe rassasié "

"Etoile illuminée", "Etoile d'Atea" ou "Etoile de l'espace"

"Etoile du soir", "Tresse-prodige du soir"(ou « groupe rassasié du soir » ?)

"Grande étoile"

"Tresse du crépuscule" (ou « groupe rassasié» ?)

Tuamotu (Stimson et Marshall, 1964)

Takurüa i te (ata) pongipongi

Takuru'a i te marungani noa

Takurüa i te ahiahi

"festivité dans le matin"

"Festivité dans le nuage dénudé sans tapu"

« Festivité du soir"

Les traductions sont difficiles car un nom d’étoile, en Polynésien, peut avoir plusieurs sens. On notera cependant la récurrence de « rua » (deux, double) dans « Ta’urua » (festivité ou compter par 2) et celui du champ lexical de la satiété comme « rassasié » ou « ventre » (chez les Maoris « Köpü » signifie « Vénus » mais aussi « ventre », « abdomen »), comme si la perception de Vénus, en Polynésie, avait parti lié à l’abondance.

De plus, deux personnifications semblent récurrentes : Täne (représenté par des yeux) et Atea (dont Vénus et Mercure sont ses yeux). Nous pouvons donc nous faire une idée des représentations cosmologiques de Vénus en Polynésie où ses deux dieux jouent un rôle essentiel.

En effet, les yeux de Atea, selon un récit tahitien (Henry, p.432), seraient Mercure et Vénus :

« Tane mesura les espaces entre chaque ciel avec sa mesure de ciel. Ra'i-tupua fixa par en-dessous la lune, le soleil, et les étoiles dans les profondeurs bleues du ciel, pendant que son artisan Ma-tohi les fixait par en-dessus.Atea devint clair et les Dieux purent y voler. Ses possessions qui se trouvaient sous le dôme du ciel étaient le vent, les nuages, l'arc-en-ciel, l'atmosphère et tout ce qu'elle contient. Le ciel de Rumia devint étendu et fixe grâce à ces spécialistes.Alors pour œil droit d'Atea Ta'a­roa installa Ta'urua (Vénus) qui se lève dans le soir et il dit : « Ce sera une lumière qui se penchera sur la terre pour apporter la paix, une grande paix au monde habité. O Atea ton œil droit sera Ta'urua. ». Et pour œil gauche d'Atea, Ta'aroa plaça Ta'ero (Mercure) et dit : « Que la colère soit attisée, que la guerre fasse rage sur la terre : O Atea, ton œil gauche sera Ta'ero !»

En ce qui concerne Täne, la traduction de « Anui » aux îles Cook (qui semble être anuhi, les « Yeux »), par le témoignage ethnographique de W. Gill (Gill, 1880), donne àVénus  le nom de « Yeux de Täne  ». De plus, pour désigner Vénus on trouve,  à Rarotonga, le nom de « Te mata nui o Tane » (« Les grands yeux de Tane ») et, chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, l’expression « Te whatu i te roro » (« L’œil du cerveau »). Le motif de l’œil et la référence à Täne, pour désigner Vénus, est donc plausible. A Hawai’i, on trouve aussi une référence à Käne (Täne) : «  l’éminente étoile de Käne », qui est appelée käne ka onohi o ka là, « Käne le globe de l’œil solaire » (Pukui, Elbert, 1971, p.119).

Conclusion

Dans la cosmologie tripartite des Polynésiens, Täne occupe la place du supramonde, la voûte céleste de Täne est la plus haute dans la sphère supérieure. Atea occupe le ciel de Marama, c‘est-à-dire le lieu de la lumière du soleil comme celle de la lune.Les « yeux » de Täne (Vénus) occupent donc les hautes sphères et le supramonde, alors que les yeux de Atea (dont Vénus) occupent l'Espace intermédiaire entre l'inframonde et le monde supérieur, ouvrant une voie de communication avec les esprits. Comme ailleurs dans les différentes cultures astronomiques, le supramonde et les voies de communication avec diffrents mondes semble être un des thèmes récurrents de la perception de Vénus en Polynésie.

Bibliographie

Best, The Astronomical Knowledge of The Maori, Wellington, Dominium Museum Monograph N°3, R.E. Government Printer, 1955 (première publication posthume, 1932)

Ellis, A la recherche de la Polynésie d'autrefois, vol. I, Paris, éd. de la Société des Océanistes No 25 , 1972 

Gill W. W., Historical Sketches of Sauvage Life in Polynesia, Wellington, 1880

Henry, Tahiti aux temps anciens, Publication de la Société des Océanistes, N°1, Musée de l'Homme, Paris, 1993 

Johnson et Mahelona, Nä Inoa Hökü, A catalog of Hawaiian Pacific Star Names, Honolulu, Topgallant Publishing Cy., 1975

Laguesse, "A propos des connaissances astronomiques des anciens Tahitiens", in B. S. E. O. N°75, Papeete, p.141-152, décembre 1945

Métraux, Ethnology of Easter Island, Honolulu, B.P.B. M., bulletin 160, 1940

Moerenhout, Voyage aux îles du Grand Océan, 2 vol, Paris, Adrien Maisonneuve, 1837

Stimson et Marshall, A Dictionary of Some Tuamotu Dialects of the Polynesian Language, The Hague, Martinus Nijhoff, The Royal Institute of Linguistics and Anthropology, 1964.

 

5 décembre 1998 : L'ethnoastronomie d'ici et d'ailleurs

Résumé : Louis Cruchet a tenu une conférence sur "l'ethnoastronomie d'ici et d'ailleurs". Louis Cruchet part du constat que, à une connaissance astronomique avérée, il correspond une mythologie. La difficulté résidant dans cette dernière. Aux Etats-Unis, trois volets de sciences humaines se sont développées, l'ethnoastronomie, l'ethnoastrologie et l'archéoastronomie. en pratique, l'ethnoastronomie et l'ethnoastrologie consistent à étudier les systèmes de représentation des astres dans des sociétés traditionnelles. l'étude de la culture, des arts, des mythes, de certaines formes d'écriture, montre une relation entre la forme de la société et la représentation du cosmos, et finalement le cosmos lui même.
Pour la Polynésie, le cas des mythes marquisiens est exemplaire. Recueillis en langue marquisienne, ils furent traduits en allemands, puis en français. Cette cascade de traductions rend le texte inexploitable de fait. Revenir à la langue vernaculaire apporte une lumière nouvelle, et permet de découvrir une représentation très particulière du cosmos. Les noms, les répétitions et les variantes peuvent être considérés comme des moyens mnémoniques de donner la position des astres en fonction du temps.

 

19 sept 2002 : L'archéoastronomie et archéoastrologie en Polynésie,
ces sciences tombées du C.I.E.L !

Résumé : Comme l'explique le président de C.I.E.L, l'objectif de l'association est simple : " il s'agit de faire connaître les recherches scientifiques des universitaires (la plupart américaines), mais aussi celles effectuées " sur le terrain " par des amateurs confirmés. Ces recherches mettent en relation architectures, mégalithes, arts ou techniques préhistoriques avec la position des étoiles, des lunaisons, le calendrier etc. C.I.E.L veut également rendre compte des réalités souvent totalement ignorées, des recherches faites en Polynésie. Si l'ethnoarchéologie n'est pas (encore) une science très répandue, elle n'en est pas moins au cœur de questions passionnantes." Louis Cruchet en propose d'abord une définition. Il s'agirait " d'études des sciences anciennes des étoiles ou de l'astronomie préhistorique ". En réalité, le champ de recherche est assez vaste et il serait vain de croire que les sociétés préhistoriques ou anciennes aient eu une " science " des étoiles susceptibles d'être étudiée comme on étudie l'astronomie à l'époque post-moderne. Selon l'association, " il conviendrait mieux de parler d'ethnoastronomie, dans la mesure où il est absolument nécessaire d'avoir connaissance, par l'étude de terrain, des relations faites par les sociétés étudiées entre les festivités culturelles, le calendrier, le cycle annuel et les étoiles, c'est à dire en fait entre les étoiles et leur appropriation locale.. En ce qui concerne la Polynésie, il serait vain de vouloir absolument trouver une cause astronomique à l'orientation des pierres, car la plupart des sites sont orientés en fonction d'une géographie sacrée composant avec le relief. Néanmoins de nombreuses études ont montré l'exactitude d'une telle orientation, à condition d'y adjoindre d'autres raisons que celles d'une préoccupation purement astronomique. "

 

19 novembre 2002 : Les secrets des pipi horeko de Rapa Nui

Résumé : Les navigateurs polynésiens qui colonisèrent Rapa Nui devaient posséder une parfaite connaissance astronomique pour parvenir à un meilleur contrôle de la production de la nourriture de cette nouvelle terre. La situation subtropical qui offrait une nouvelle variation climatique tout au long de l'année, bouleversait l'agriculture, le cycle de l'apparition des poissons et des oiseaux.
...A Rapa Nui, la connaissance scientifique de la progression des saisons était accompagnée de rites et de cérémonies, présidés par le Ariki, pour ouvrir les plantations et les récoltes. Un calendrier de douze mois était déterminée par les cycles de la lune (mahina), commençant à chaque nouvelle lune (ohiro). L'année commençait à l'apparition des Pléiades (Matariki) suivant le solstice d'hiver. Durant la dernière période de la préhistoire de Rapa Nui, chaque année prenait le nom du tangata manu victorieux (l'homme-oiseau). Les phases de la lune et plus particulièrement la nouvelle lune (ohiro) et la pleine lune (omotohi) revêtaient une grande importance pour déterminer la bonne époque pour pêcher, pour planter et pour les festivals et les cérémonies...

 

19 juin 2004 : Maui, cet attrapeur de soleil.
Une image d'un héros mythique passé maître du ciel

Résumé : Maui est une grande star du mythe, car il a à son actif de nombreuses biographies qui ont su, à travers les récits de la tradition orale mais aussi à travers les récits des premiers ethnographes, marquer les esprits par les traits singuliers de sa personnalité. On le dit espiègle à souhait, grand pourfendeur des interdits, attrapeur de soleil et pêcheur d'îles. Certains donnèrent au héros les caractéristiques " solaires " que la psychanalyse naissante prêtait, au début du siècle précédent, au traumatisme de la naissance. La tragédie de Maui aurait été alors de naître deux fois ou d'avoir eu deux parentés, celle des dieux et celle des hommes. Lorsqu'il voulut être un garçon comme ses frères, nous disaient ses biographes, ses frères ressentirent vivement le monopole de l'affection de leur mère qui le préférait de manière extravagante. Mais chaque matin, à l'aurore, elle disparaissait et le laissait seul avec ses frères, ce qui l'incita à la suivre et l'embarqua dans toute une série d'aventures dans le monde souterrain. Sans conférer directement à Maui les traits solaires caractéristiques dans nombreuses épopées orientales, on prêtait volontiers au héros toutes les caractéristiques de l'espièglerie transgressive. Luomala, dans son Maui des mille espiègleries, paru à Hawai'i en 1949, nous conte l'idée que ses biographes avait du héros. " Un jeune héros civilisateur, insouciant, fripon et simulataire ", voici comment le héros est décrit par ses biographes. Maui est moins qu'un dieu, mais plus qu'un homme. Aimé mais non adoré. Comique et cependant tragique. Protecteur et destructeur. Il est le Peter Pan polynésien, qui quelque fois tient lieu de Moïse...

 

 

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