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Conférence
19 novembre 2002
: Les secrets des pipi horeko de Rapa Nui
Les navigateurs polynésiens qui colonisèrent Rapa Nui devaient
posséder une parfaite connaissance astronomique pour parvenir à un
meilleur contrôle de la production de la nourriture de cette
nouvelle terre. La situation subtropical qui offrait une nouvelle
variation climatique tout au long de l'année, bouleversait
l'agriculture, le cycle de l'apparition des poissons et des oiseaux.
...A
Rapa Nui, la connaissance scientifique de la progression des saisons
était accompagnée de rites et de cérémonies, présidés par le Ariki,
pour ouvrir les plantations et les récoltes. Un calendrier de douze
mois était déterminée par les cycles de la lune (mahina), commençant
à chaque nouvelle lune (ohiro). L'année commençait à l'apparition
des Pléiades (Matariki) suivant le solstice d'hiver. Durant la
dernière période de la préhistoire de Rapa Nui, chaque année prenait
le nom du tangata manu victorieux (l'homme-oiseau). Les phases de la
lune et plus particulièrement la nouvelle lune (ohiro) et la pleine
lune (omotohi) revêtaient une grande importance pour déterminer la
bonne époque pour pêcher, pour planter et pour les festivals et les
cérémonies.
...La
connaissance, le domaine réservé aux experts, assurait le prestige
de l'aristocratie. A ce propos, l'ancienne société pascuane reflète
bien les cultures néolithiques dont les travaux eurent une
signification astronomique, comme il en fut à Stonehenge en
Angleterre et pour les structures maya à Chichen Itza (Mexique).
...La
tradition parle de l'importance du soleil (ra'a), de la lune (mahina),
de certaines planètes (matamea = Mars) ou étoiles (Tautoru = la
ceinture d'Orion, Matariki = Pléiades ; Te Pou = Sirius ; Nga Vaka =
Alpha et Béta du centaure ; Rei A Tanga = Antarès ; Hetu'u Ahi Ahi =
Vénus, l'étoile du matin) ; comme de l'existence d'écoles
spécialisées et d'observatoires (Ana U'i Hetu'u, à côté de Tahai).
On a également fait cas de nombreux pétroglyphes aux motifs
astronomiques (Papa U'i Hetu'u à Poike et Papa Mahina, à côté du Ahu
Ra'ai) et, enfin, de l'usage possible de tours (tupa) d'observation
astronomique.
...Néanmoins,
la plus éclatante des évidences est donnée par les ahu eux-mêmes,
certains d'entre eux étant orientés pour marquer les solstices et
les équinoxes. En accord avec l'astronomie moderne, à la fin du
premier millénaire après J.C., la période durant laquelle la culture
mégalithique commença sérieusement son expansion (la phase dite Ahu
Moai), les îliens purent être les témoins d'un nombre extraordinaire
d'éclipses solaires (he kai i te ra'a) et de comètes (hetu'u ave).
Il existe, à ce sujet, de nombreux sites aux noms évocateurs de la
chose astronomique.
...Selon
les investigations de l'astronome William Liller, environ 20 ahu
furent intentionnellement placés en situation astronomiquement
significative de façon à avoir le moai face au soleil couchant ou
levant lors des solstices ou des équinoxes. En général, les ahu de
l'intérieur de l'île qui sont orientés astronomiquement sont en
relation aux solstices, tout particulièrement avec le solstice
d'hiver, alors que les ahu orientés astronomiquement le long de la
côte sont placés sur l'axe équinoxial nord-sud de sorte que le moai
regarde tout droit vers l'est ou l'ouest, comme le fameux Ahu Akivi.
Ceci peut être expliqué par le fait que les moai le long du littoral
furent mis en relation à la mer pour préciser certaines positions,
alors que les moai intérieurs devaient avoir une signification en
relation à l'agriculture, particulièrement au solstice d'hiver
lorsque donnaient les derniers rayons du soleil et que les jours
devenaient les plus courts.
...Le
plus remarquable des monuments astronomiques est sans doute le Ahu
Huri A Urenga, qui fait face au soleil à son lever au solstice
d'hiver. Il est intéressant de noter que la ligne pointant le lever
solsticial d'hiver se dirige également vers le sommet du Poike et
que les études précédentes ont montré que les axes astronomiques du
site pointent également les différents sommets environnants (par
exemple, vers Maunga Mataenga, voir Liller, 1993, p. 12). A côté de
la plate-forme figure des cupules qui doivent également avoir des
significations astronomiques comme nous le verrons. A Vinapu, Ahu
Tahiri marque les équinoxes et Ahu Vinapu 2 le solstice d'été. Ahu
Ra'ai et Tangariki sont également des marqueurs solsticiaux de
l'été. Depuis Orongo, le solstice d'hiver peut être observé
exactement en ligne droite avec le pic du Poike d'où le dieu Katiki
est sensé apparaître, ce qui donne à ce site une connotation
particulièrement propice au lieu d'élection de la cérémonie tangata
manu.
...Pour
comprendre le rôle du cycle de l'homme-oiseau et le rôle des astres
dans le calendrier des fêtes et des activités pascuanes, il faut
comprendre les mentalités idéologiques des anciens. L'idéologie
dominante était fonction d'une stratification de la société
susceptible d'assurer un ordre politique et social strict pour
l'exploitation des maigres ressources de l'île. Ainsi, la croyance
en l'influence maléfique ou heureuse de certaines étoiles à une
certaine époque (Matamea, Tautoru, Pau), la possibilité de
l'imposition des tabous (tapu) et de la propitiation des dieux par
la signification des cérémonies sous l'égide des prêtres astronomes,
devaient être le quotidien de la vie des pascuans.
...En
accord avec la tradition fondée sur la légende de Ariki Hotu A
Matu'a, un ordre social établissait la famille royale (arioki paka)
à la tête de la société pascuane. La position de l'aristocratie
était soutenue par la revendication d'une origine divine en tant que
descendant des dieux de la Création. La dite légende qui fait
référence au nom Hotu A Matu'a (Hotu fils de Matu'a) fait remonter
sa généalogie à Oto Uta, dont la statue (moai) fut apportée sur la
nouvelle terre au cours d'un des nombreux voyages entre le pays
d'origine, nommé Hiva, et la terre promise. Puis, la légende
explique la situation qui provoqua le départ de la terre ancestrale,
depuis une région de Hiva nommée " Marae Renga ". L'épisode fameux
relate le rêve prémonitoire d'un certain Haumaka qui décrivit entre
autre la baie d'Anakena, le lieux mythique d'arrivée des pascuans.
Sept explorateurs furent envoyées vers la terre promise et furent
capables de reconnaître les sites décrits par Haumaka. De retour au
pays (Hiva), un conflit foncier entre clans voisins éclata et le
chef religieux des confréries dominantes (Hanau momoko) dut " maté "
l'insurrection d'un clan minoritaire (Hanau e'epe) ayant profité du
départ des chefs. Les insurgés furent transportés vers le nouvelle
terre en tant que prisonniers et, après leur arrivée sur l'île, l'Ariki
Hotu A Matu'a les établit sur le Poike et leur assigna leur propre
chef.
...Avant
de mourir l'Ariki Hotu A Matu'a partagea l'île entre ses fils qui
finalement fondèrent leurs propre clans. Plus tard, huit grands
clans et quatre de moindre importance furent reconnus. Ils
s'organisèrent en deux grandes confédérations qui divisèrent l'île
en deux parties : les clans associés à celui des descendants de Muri
(un des huit fils de Hotu A Matu'a), la lignée royale, qui
habitaient dans la moitié nord-ouest de l'île (Ko Tu'u Aro), et ceux
qui occupaient la moitié sud-est regroupés sous le nom de Hotu Iti,
c'est-à-dire selon une autre légende la lignée de la reine Ava rei
pua (côté sud-est). Les centres du pouvoir politique et religieux
furent localisés sur la côte, pour contrôler les territoires
autonomes (kainga) qui s'étendaient vers l'intérieure de l'île. Des
frontières territoriales furent marquées par des tas de pierres
empilées (pipi horeko) et toute transgression de l'interdiction de
passage était considérée comme une grave offense susceptible d'être
punie de mort.
...Les
pipi horeko dès lors assuraient la paix et nulle confrérie
travaillant à la taille et au déplacement des statues géantes
(moai), qui devaient honorer la mort de leurs chefs, ne devaient
s'aviser d'outrepasser les limites imparties à leurs clans. C'est
dire combien de détours (ou de conflits ?) les pipi horeko ont dû
imposer aux porteurs de moai.
...C'est
à la fin du XVIIème siècle, vers 1680, que la phase dite Huri Moai
marquait le chant du cygne du gigantisme. La crise sociale étant à
son paroxysme, les statues furent renversée et restèrent dans l'état
dans lequel les dernières confréries qui y avaient travaillé les
avaient laissées. En donnant à l'île un roi d'une année, sans doute
le rite de l'homme-oiseau apparut-il alors être une alternative à
l'incurie et au fratricide pour que l'abondance revienne.
L'existence de nombreux sites archéoastronomiques dirigés vers le
sommet du Poike (l'ancien volcan de la côte du nord-est) témoigne du
nouveau rôle probable donné lors de cette époque aux sites
préhistoriques et au lithisme pascuan, en relation au nouveau pôle
d'intérêt que le dit sommet a pu susciter. Le site Orongo, au
sud-est, semble comme nous le verrons en relation étroite avec le
sommet de l'ancien volcan, au nord-est. Selon nous les levers du
Soleil et des astres au-dessus du Poike ont joué alors un rôle
certain. Certaines statues de cette époque charnière changèrent
également de fonction, telle celle du Ahu Huri A Urenga qui,
contrairement à pratiquement tout autre ahu de la phase précédente,
ne recouvre aucune tombe de chef mais qui curieusement marque à la
fois le solstice d'hiver et la ligne de démarcation entre les deux
confréries ancestrales dont il a déjà été question. La tradition et
les témoignages ethnographiques témoignent de ce rôle. Il est dit
que la ligne allant du Poike au village Orongo, qui, depuis ce
village et depuis Huri A Urenga, est aussi la ligne pointant le
lever héliaque du solstice de juin, représente la frontière limitant
les deux confédérations, instituées par la tradition pascuane. Si la
fonction des moai changea à cette époque ne pourrait-il en être de
même en ce qui concerne les autres structures lithiques de l'île de
Pâques ?
...La
question que nous posons est donc la suivante : " les pierres
empilées (pipi horeko) n'avaient-elles pas d'autres fonctions au
XVIème siècle que celle consistant à la limites des terres ? "

Coupure de presse
La Dépêche du
dimanche 17 novembre 2002, page 19. |
LES SECRETS DES PIPI HOREKO DE RAPA NUI
A l'initiative du cercle d'investigation de l'ethnoastronomie locale
(CIEL), la mairie de Pappete a accueilli vendredi soir une
conférence de Louis Cruchet consacrée aux mystérieux pipi horeko de
l'île de Pâques, à la suite d'une enquête de terrain.
De retour de Rapa Nui, l'île de Pâques, où il vient de mener une
étude de terrain, Louis Cruchet, docteur es lettre en anthropologie,
a rendu compte vendredi soir à la mairie de Papeete des résultats de
cette mission. Devant une assistance clairsemée, une vingtaine de
personnes étaient présentes (dont le professeur Serge Dunis), il a
mené un travail de réflexion sur le rôle des " pipi horeko ".
Ces " pipi horeko ", des pierres empilées, sont, selon les dernières
recherches sur le sujet, des marques de frontières établies par des
aristocrates de l'île afin de calmer les rivalités intestines entre
les clans. Toute transgression de l'interdiction de passage était
considérée comme une grave offense susceptible d'être punie par la
mort.
Mais au regard du nombre de ces " pipi horeko ", Louis Cruchet
s'interroge : " Ces pierres empilées n'avaient-elles pas d'autres
fonctions que celles servant aux limites des terres ? Ce n'est pas
mon travail qui permet de remettre en question cette fonction.
Simplement, on peut se demander s'il n'y a pas d'autres fonctions ",
soulignant que cette hypothèse a déjà été soulevée, mais l'a été par
des chercheurs amateurs et non des universitaires.
Beaucoup de ces " pipi horeko " sont concentrés au nord de l'île.
Leur densité dans cet espace amène par ailleurs le conférencier à
relativiser son questionnement. " Dès lors que l'on mulitplie les
repères, il est, bien entendu, plus facile d'émettre des hypothèses
! ", reconnaît-il.
Pour le chercheur, ses dernières découvertes apportent un début de
preuve de l'existence d'une orientation volontairement astronomique
des " pipi horeko ". Pour confirmer ce postulat, Louis Cruchet était
parti de deux conditions: il fallait que ces pierres empilées soient
orientées par rapport aux étoiles et qu'il y ait dans la culture des
éléments connus et répertoriés par la tradition confirmant ce lien.
Pour Louis Cruchet, la première condition est remplie : " Pas très
difficile. Vu le nombre des " pipi horeko " sur l'île, on en trouve
toujours qui ont une orientation avec telle ou telle planète ",
ironise-t-il. Mais trouver les bonnes étoiles est une chose, leur
donner un sens culturel en est une autre.
C'est donc l'objet de la seconde condition : s'assurer que les
étoiles concernées correspondent à des dates importantes dans le
calendrier Pascuan. A la suite de recherches ethnographiques et de
son études de terrain, Louis Cruchet suggère que l'orientation
astronomique des " pipi horeko " est à l'origine de l'établissement
d'un calendrier festif.
" La grande nouveauté, c'est que l'on sait que certaines structures
ont été orientées intentionnellement par rapport aux étoiles ",
avance le scientifique qui rappelle que ce fonctionnement culturel
ne se retrouve pas dans les autres îles polynésiennes. " Tout au
plus les marae de l'époque de Taputapuatea étaient orientés par
rapport au soleil ", précise Louis Cruchet.
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Article de M.
Tarrats.
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19 novembre 2002
: Les Pléiades à Tahiti
...
Le calendrier ne semble guère avoir été de nature solaire, en
Polynésie, mais comme de nombreuses autres cultures africaines,
amérindiennes ou asiatiques, les Polynésiens ont utilisé un
calendrier fondé sur l'observation des étoiles, et tout
particulièrement sur l'observation des Pléiades. A Tahiti les
sources de Teuira Henry témoignent en faveur de l'existence d'un
calendrier qu'il conviendrait de qualifier de " pléiadien " et non
de calendrier solaire, comme il en existe sous d'autres latitudes.
Il est écrit que l'apparition des Pléiades marque le début de la
bonne saison correspondant au mois de novembre et que leur
disparition marquait l'avènement de la période sèche et fraîche
correspondante au mois de mai. Néanmoins, tout à chacun, résident à
Tahiti, peut remarquer combien il est faux de dire (ou plutôt de
traduire) que les Pléiades " disparaissent " aux dates dites. En
réalité, il s'agit plutôt du temps de visibilité qui change, mais il
n'y a pas de saison où elles disparaissent et de saisons où elles
apparaissent. Ainsi, de mai à novembre, elles sont visibles peu de
temps, la période la plus faible étant en mai, alors que de novembre
à mai le durée de leur visibilité est plus grande, la plus forte
étant en novembre.
...
C'est, à Tahiti, cette observation qui était le fondement du
calendrier et l'on peut avancer avec une très forte probabilité,
qu'il en fut de même dans l'ensemble de la Polynésie. Nous en
voulons pour preuves les premières études ethnographiques faites à
Hawai'i (Beckwith, Fornander) et en Nouvelle-Zélande (Best), ainsi
que les études universitaires faites plus récemment par Eric Conte
aux Tuamotu. Il ne s'agit pas toujours du même type d'observation,
ici s'agissant du lever héliaque et ailleurs du coucher des étoiles,
mais il s'agissait presque toujours du même groupe d'étoiles : les
Pléiades ou Matariki, Matari'i...
...
Même dans les archipels proches des tropiques où, par conséquent, on
aurait pu s'attendre à une plus grande sensibilité au calendrier
solsticial, les Polynésiens sont, semble t-il, restés attachés à
l'usage de ce type de calendrier pour déterminer la levée et
l'imposition des tabous royaux, pour déterminer le cycle de leurs
activités annuelles et, enfin, le cycle de l'abondance. Partout dans
la conscience polynésienne le groupe d'étoile semble avoir symbolisé
la présence divine apportant l'abondance ou, au contraire, étant
susceptible de la restreindre. Il n'y avait pas un seul calendrier,
bien sûr, car chaque archipel avait une façon toute particulière
d'adapter à son propre cycle de subsistance le repère mnémotechnique
des étoiles pour se constituer un calendrier spécifique. Par
exemple, dans les îles de la Société et aux Marquises, il s'agissait
du cycle de l'arbre à pain, en Nouvelle-Zélande, du cycle des
patates douces. Pour réaliser ces " adaptations " du cycles des
étoiles à celui des saisons agraires, il fallait quelques fois
utiliser d'autres étoiles d'appoint comme la ceinture d'Orion, Véga
dans la Lyre ou Antarès au cœur du Scorpion. Mais il semble que les
Pléiades aient toujours représenté la manne céleste. Cette
symbolique est particulièrement bien évoquée à travers les
festivités du dieu hawaïen Lono et dans les chants mythologiques, où
les Pléiades symbolisent le pouvoir de fertilisation des pluies. Le
cas hawaïen est aussi très intéressant sur le plan de la convergence
entre la permanence pléiadienne avec celle de la saison des pluies.
En effet, bien que l'archipel se trouve sur les latitudes
septentrionales, c'est toujours en novembre qu'on lieu les
festivités et les pluies, lorsque les Pléiades " apparaissent ". On
pourrait presque parler de " ciment culturel " passant par les
étoiles, dans la mesure où il semble y avoir la une volonté de faire
coller le moule pléiadien au saisons. Dans le cas hawaïen, il s'agit
certes du hasard, mais dans le cas maori c'est autre chose. En
Nouvelle-Zélande, l'apparition des Pléiades ne correspond pas à la
période d'abondance parce qu'il y a eu une réforme calendérique (ou
calendaire). Nous ne nous attarderons pas sur ce sujet, mais il fait
savoir que c'est au lever héliaque que les Pléiades sont observées
et que, par conséquent, la symbolique de la puissance céleste
s'associe à la symboliques solaire du dieu Tane (Käne). Pour les
Maoris, les Pléiades représentent donc la puissance des chefs
(chaque étoile est associées à un noms correspondant à l'un d'eux)
leur permettant de régir la fertilité et d'imposer des interdits.
...
En Nouvelle-Zélande, il s'agit donc d'une volonté délibérées
d'inversion du calendrier, ailleurs les observations étant établies
au coucher du soleil. D'autre part, un certain puritanisme
anglo-saxon qui aurait pu faire supposer une dénégation de certaines
pratiques très " choquantes " nous laisse supposer l'existence d'une
divination astronomiques à l'apparition des Pléiades. Il s'agissait
surtout de danses provocantes (pour les missionnaires) qui visaient
à intimer aux dieux le retour de la manne céleste. IL est encore
plus extraordinaire que de telles pratiques perdurèrent jusqu'au XXè
siècle aux Tuamotu. L'étude de terrain d'Eric Conte a mis en
évidence ces pratiques : les prêtres armés de lances dirigées en
direction des Pléiades invectivaient les astres pour qu'ils
fécondent la terre et qu'ils leur permettent d'affirmer leur
virilité (" Balance, balance entre mes reins ", disait-ils), alors
que des danses lancinantes invitaient les dieux à en faire le
partage. Les " anciens " ont révélé le lien existant entre ces
pratiques et le cycle de subsistance dont ils dépendaient, à savoir
l'arrivée et le départ des tortues, constituantes essentielles de
leur pêche, que seuls les jeunes mâles pouvaient attraper en les
chevauchant en une véritable étreinte simulant la copulation. Aux
Tuamotu (ou plutôt dans certaines atolls), comme en
Nouvelle-Zélande, l'observation des Pléiades se faisait au lever du
soleil contrairement aux autres archipel. L'apparition des Pléiades
qui se faisait dans une période (mai) où le groupe d'étoiles allait
être de moins en moins visible au-dessus de l'horizon ne pouvait
donc pas marquer la période maigre (comme Teuira Henry semblait
l'avoir traduit à propos de Tahiti). Par conséquent, on peut
conclure qu'au-delà du rôle mnémotechniques que les Pléiades ont
incontestablement joué (en concédant l'ajout d'autres étoiles et la
possibilité d'inversion des cycles pour rester conforme au cycle de
subsistance), il faut croire qu'il existe une permanence culturelle
où les croyances ont joué un rôle certain grâce aux festivités de
l'abondance accompagnant les Pléiades et/ou grâce à la divination
pléiadienne A ce sujet, il faut ajouter que les prédictions
concernant l'abondance étaient tirées dans le cas des observations
héliaques en fonction de l'apparence de l'ascension et du
scintillement des étoiles. Mais ça, c'est une autre histoire !
(Louis Cruchet, le 8/7/02, île de Pâques)
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