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Conférence

19 juin 2004 : Maui, cet attrapeur de soleil.
Une image d'un héros mythique passé maître du ciel

 Maui est une grande star du mythe, car il a à son actif de nombreuses biographies qui ont su, à travers les récits de la tradition orale mais aussi à travers les récits des premiers ethnographes, marquer les esprits par les traits singuliers de sa personnalité. On le dit espiègle à souhait, grand pourfendeur des interdits, attrapeur de soleil et pêcheur d'îles. Certains donnèrent au héros les caractéristiques " solaires " que la psychanalyse naissante prêtait, au début du siècle précédent, au traumatisme de la naissance. La tragédie de Maui aurait été alors de naître deux fois ou d'avoir eu deux parentés, celle des dieux et celle des hommes. Lorsqu'il voulut être un garçon comme ses frères, nous disaient ses biographes, ses frères ressentirent vivement le monopole de l'affection de leur mère qui le préférait de manière extravagante. Mais chaque matin, à l'aurore, elle disparaissait et le laissait seul avec ses frères, ce qui l'incita à la suivre et l'embarqua dans toute une série d'aventures dans le monde souterrain. Sans conférer directement à Maui les traits solaires caractéristiques dans nombreuses épopées orientales, on prêtait volontiers au héros toutes les caractéristiques de l'espièglerie transgressive. Luomala, dans son Maui des mille espiègleries, paru à Hawai'i en 1949, nous conte l'idée que ses biographes avait du héros. " Un jeune héros civilisateur, insouciant, fripon et simulataire ", voici comment le héros est décrit par ses biographes. Maui est moins qu'un dieu, mais plus qu'un homme. Aimé mais non adoré. Comique et cependant tragique. Protecteur et destructeur. Il est le Peter Pan polynésien, qui quelque fois tient lieu de Moïse.

A y regarder de plus près son actif n'est pas toujours glorieux. Il tua deux de ses grands-parents, mit le feu au monde, lorsqu'il voulut dérober le feu au dieu (quelquefois identifié à la déesse des tréfonds de la terre) Mahui'a, et battit à mort son ancêtre, le soleil, à l'aide de la mâchoire de sa grand-mère utilisée comme casse-tête. Alors qu'il laissait mourir de faim une de ses grands-mères pour obtenir d'elle sa mâchoire magique, il traita un peu mieux son autre grand-mère gardienne du monde souterrain (dans un autre récit, il s'agit de Ra'anua, sa propre grand-mère qui est à la fois l'une et l'autre). Etant aveugle, elle veillait perpétuellement sur un feu où brûlait un festin, anthropophage selon certains narrateurs. Maui sut lui faire recouvrer la vue, ce qui lui valut d'être initié à la magie par sa grand-mère. Mais ces bonnes actions sont contrebalancées par ce qu'il fit subir à ses grands-pères (le plus souvent identifiés à Mahui'a). Ainsi au lever du soleil, Maui, juché au sommet du plus haut cocotier, tira brusquement sa ceinture pour réduire le vieil homme en miette. Bien qu'il finisse, dans ce dernier cas, par redonner la vie au soleil, en général Maui tire son pouvoir de la magie de ses ancêtres et des sévices qu'il leur fait subir…Voilà une bien mauvaise réputation !
Nous savons aujourd'hui, grâce aux travaux de l'anthropologie et de l'ethnologie, que se sont superposés au caractère profane du héros, les caractéristiques sacrées d'une idéologie théologique naissante dans les îles de la Société à l'arrivée des Européens. Ainsi, Maui peut être doublement ambigu. Il convient donc de poser l'attrapeur de soleil comme :
1) fondateur des marae et donc détenteur de la généalogie.
2) héros espiègle, dérobant le feu.
3) pêcheur d'île à Hawai'i, en Nouvelle-Zélande et à Manihiki.
4) héros transgressant les interdits. On connaît la mort de Maui entre les cuisses de Hina no te pö en Nouvelle-Zélande.
5) héros attrapeur de soleil.

 

Je dis bien de soleil, pas du Soleil, c'est-à-dire l'attrapeur non pas de l'astre mais de la lumière. De cette liste des caractéristiques héroïques, nous nous attacherons à l'ambivalence première, celle qui semble vouloir faire de Maui tant le fondateur des marae qu'un attrapeur de soleil puisqu'il nous semble possible de résoudre ce hiatus en posant l'hypothèse qu'Antarès est superposable au Soleil en matière d'orientation archéoastronmique, puisque nos recherches montent que certains marae sont orientés en direction des couchers d'Antarès et du Soleil d'été. Nous y reviendrons. Pour le moment, essayons de dégager la relation que l'on peut établir entre Maui et le soleil.
En Polynésie, Maui n'est pas une personnification solaire , mais apparaît avoir été un héros capable de piéger le soleil, de maîtriser le temps, en somme un personnage épique qui met en représentation l'appropriation anthropocentrique du ciel. Ce sont les motivations de l'attrapeur de soleil, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles Maui veut maîtriser l'astre, qui sont significatives et non l'assimilation solaire. Il en va de même de Tane qui fit pénétrer la lumière dans le monde terrestre et qui pour cela personnifie le jour et le soleil en tant que lumière du jour mais qui n'est pas pour autant le Soleil en tant qu'étoile, astre ou objet céleste. En un sens, le mythe de Maui, sans être un mythe du feu, n'en démontre pas moins l'association faite entre l'astre, le feu et le cuit, les tentatives pour utiliser le soleil pour sa chaleur étant comparables à celles de sa maîtrise pour avoir le temps de cuire les aliments. Beaucoup de versions de l'attrapeur de soleil montrent que la motivation de Maui vient de son insatisfaction due à la brièveté du jour empêchant d'acquérir l'art du feu. Dans cet optique, Maui apparaît comme le chantre de la culture, un héros civilisateur qui a arraché au soleil, à la lumière de Tane, le pouvoir de la cuisson des aliments. Mais ne pourrait-on pas invoquer le pouvoir civilisateur de la maîtrise du temps et, en ce qui concerne Maui, du contrôle de l'alternance jour/nuit, c'est-à-dire de la durée du rythme quotidien du soleil ? Maîtrise à laquelle Maui parvient grâce aux cheveux de Hina, la déesse de l'astre qui permit aux Polynésiens d'acquérir la connaissance du temps calendaire et le contrôle des mois, des jours et partant de l'année lunaire. Le mythe de l'attrapeur de soleil est aussi né d'une réalité très prosaïque, celle de la durée du jour extrêmement raccourci lors de la saison sèche lorsque les Pléiades symbolisant l'abondance restent un temps invisibles. Mais cela peut, pourquoi pas, évoquer aussi une quête des terres émergées où, venant du Sud, les jours semblent s'allonger à mesure que le Nord est gagner vers une latitude beaucoup plus clémente. C'est d'ailleurs ce à quoi on pense lorsque les récits nous parlent de forte houle, de grêle et de nuit sans jour.
Mais, pour revenir à l'image du héros Maui, en tant que représentant figuratif de la maîtrise du temps et de l'espace, c'est grâce au pouvoir de sa généalogie qu'il détient qu'il peut se permettre transgression et espièglerie. C'est parce qu'il a acquis le pouvoir de remonter au vent, de braver le ciel et de revenir conquérant de nouvelle terre vierge en suivant le chemin des étoiles qu'il parvient à se faire un nom et à donner naissance à une nouvelle généalogie.
L'hameçon de Maui (Te Matau o Maui), dans la constellation dite du Scorpion, qui permit de tirer les îles de l'océan, n'est-elle pas l'hameçon métaphorique qui, grâce à ses étoiles, guide les navigateurs dans leur périple ?
Maui nous conduit à la contemplation du ciel comme reflet de l'océan.

Ce qui est le plus caractéristique des étoiles polynésiennes c'est bien la nature de leur identification, car la plupart des étoiles ou des constellations regroupant plusieurs étoiles sont identifiées aux outils de pêche et de navigation (filet, hameçon, pirogue), aux poissons (le motif le plus fréquent est le requin auquel la Voie lactée est identifiée) ou aux oiseaux. Les légendes polynésiennes parlent de la transformation de Tangaroa en pirogue, de la déesse lunaire qui monta au ciel en pirogue. Presque tous les Polynésiens reconnaissent une Grande Pirogue dans le ciel quelque part près des Pléiades. Hameçon magique pourvoyeur d'îles (Te Matau o Maui, à Tahiti), Oiseau signe avant-coureur d'un terre émergée (Manu, en Micronésie), Cerf-volant symbole de la concorde des dieux (la fameuse légende des Pipirima, à Tahiti), Requin emblème génésique par excellence (Mako roa, à Rarotonga)... sont autant de " signes " qui font la jonction du Ciel et de la Terre, fonction essentielle de l'imaginaire astronomique des Polynésiens qui découvrirent et peuplèrent les dernières terres vierges du Pacifique. En tant qu'enjeu du pouvoir et des rivalités généalogiques, le ciel participait de la mise en place de " symboles " évocateurs, c'est-à-dire de relations culturelles inconscientes ou, en d'autres termes, de structures relevant donc d'un langage spécifique. Il semble bien que l'océan ait été pris comme langage, à travers les différentes langues polynésiennes qui s'y réfèrent, pour donner au ciel un rôle de miroir réfléchissant.
L'hameçon magique du pouvoir généalogique de Maui, l'attrapeur de la lumière solaire, se reflète dans le ciel sous la forme de la constellation Te Matau o Maui dont Antarès (Ana mua) est le cœur et l'étoile la plus brillante. La relation de l'étoile à la prêtrise de Maui est clairement établit dans les textes du Tahiti aux temps anciens (" Le soleil se lèvait lorsque Maui partit en voyage pour visiter tous les pays et y établir la prêtrise… C'était la période d'Antarès " - Ana mua) . Antarès le premier des piliers du ciel (te poupou o te ra'i) de la cosmologie tahitienne semble fonctionner de paire avec Aldebaran (Ana muri). A Tahiti et sous les latitudes de la Société, Antarès se couche pratiquement là où le Soleil se couche au solstice d'été (décembre) et ceci pratiquement à 180° du lever d'Aldebaran. Le jeu du lever/coucher des deux étoiles a t-il été scellé dans le ciment culturel que sont les marae et autres lieux cérémoniels ? Quelques indices nous permettent de confirmer la capacité et probablement l'intention d'orienter certains lieux de culte, bien qu'il soit nécessaire bien sûr de relativiser la propension polynésienne à cette orientation et aussi les accommoder avec d'autres préoccupation (orientation géographique mais aussi en fonction des pôles magnétiques de la terre). D'autre relevés montrent la caractéristique de certaines orientation en fonction du soleil couchant (solstice d'été) et d'Antarès, comme nous avons pu en faire la preuve auprès des personnes intéressées par notre atelier.
Reste à savoir si le jeu des deux étoiles a pu servir de guide à Maui et, dans ce cas là, si ces étoiles peuvent nous indiquer d'où et vers où l'attrapeur de soleil de dirigeait dans sa quête de terres émergées.

 

Coupure de presse

La Dépêche du lundi 21 juin 2004, page 45.

Le ciel du monde polynésien : Une journée au pays de Te Ra et Hina

Jean Marius Raapoto, ministre de la Culture et de l'Education, accompagné de Keitapu Maamaatuaiahutapu, ministre de la recherche, a ouvert officiellement, samedi matin dans le hall de l'assemblée, la passionnante journée consacrée à l'astronomie, en présence des représentants de plusieurs associations scientifiques et astro-physiciennes, co-organisateurs de l'évènement avec le ministère de la Culture.

La tête dans les étoiles... C'est le sentiment des visiteurs qui se sont pressés nombreux à cette journée consacrées à l'astronomie et au ciel polynésien, samedi matin, dans le hall de l'assemblée; une impressionnantes exposition mêlant images d'objets célestes, ouvrages dédiés aux mystères du ciel et des planètes, instruments et matériels d'observations astronomique étaient proposé.
Instigateurs de cette manifestation pour le moins originale, les associations Proscience !t Turu Ihi, Haururu, le Cercle d'Investigation d'Ethnoastronomie Locale (C.I.E.L.) et la Société des astronomes de Tahiti 5SAT), en partenariat avec le ministère de la Culture.
Après avoir évoqué un court extrait d'écrits de Henri Hiro consacrés à la réconciliation du ciel et de la terre, et insisté sur l'importance et le sens du ciel et des astres dans la culture ma'ohi, Jean Marius Raapoto a ouvert cette journée culturelle en insistant particulièrement sur le fait que la tradition et la modernité doivent s'unir dans la plus parfaite harmonie.

Les ma'ohi et la sciences des astres

Le président de l'association Proscience, Raymond Bagnis, accompagné d'Alban Ellacott et de collègues scientifiques, ont fait découvrir aux ministres présents l'ensemble de l'exposition.
Jean-Marius Raapoto a manifesté un vif intérêt pour ce thème incontournable de la société polynésienne qu'est le ciel : "Il peut se décliner en vers, en prose ou en formules algébriques, le mystère de l'univers est infini. Le thème ne peut que nous intéresser puisque le peuple ma'ohi a, depuis la nuit des temps, excellé dans cette science des astres, à l'instar des peuples de Mésopotamie et du bassin méditerranéen. Les astres sont, aujourd'hui encore, sources de connaissances; il me parait donc intéressant d'intégrer l'astronomie au programme scolaire. Il faut attirer les jeunes polynésiens vers ce thème. Pour ma part, j'estime indispensable de soutenir les efforts des associations organisatrices de cette manifestation et de leur accorder les moyens nécessaires à la poursuite de leurs travaux."

La journée s'est poursuivie par une série de conférences dans l'amphithéâtre de l'assemblée, auxquelles participaient d'éminents spécialistes, scientifiques et écrivains de Polynésie.

Article signé D. Jezegou

 

 

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